lundi 18 juin 2012

Le génie des élèves: la vraie vie d'U.L.I.S.

Note du 12/06/12.

Aujourd'hui, c'est la représentation du spectacle des petits U.L.I.S sur le thème des indiens. Comme chaque année, la belle salle est pleine à craquer. Plus de 300 personnes attendent impatiemment les nouvelles prouesses théâtrales d'une petite troupe pas comme les autres. D'ailleurs, les enfants sont stressés. Hier, la répétition générale a été catastrophique et avec mes collègues nous nous attendons au pire.
 Avant que les trois coups ne retentissent, je fais le tour des coulisses afin de vérifier si tout est OK.
1- Les masques sont placés.
2- Le géant est monté.
3- Les grandes bandes de satin semblent parfaitement pliées.
5- Les oiseaux et tous les autres accessoires sont en bon ordre.
6- Chaque D2M (élève de troisième avec option découverte des métiers) sait de quel petit U.L.I.S il est
le responsable.
Je m'approche du vidéo projecteur afin de voir si les images sont bien calées pour le récit. Une fois de plus, Clément a monté de jolies séquences qui seront projetées pendant le spectacle sur un écran de cinéma. Il s'agit de maquettes filmées, servant de décors aux saynètes.
- Bon ça va, tu as la conduite??
- Oui, Madame B m'a marqué l'endroit des projections.
- OK, j'espère que...
Soudain L arrive en courant avec une tête que je ne lui connais pas.
- Mariotti, y'a A qui veut plus faire le "pestacle".
- Quoi? Mais il commence dans 10 secondes et elle a un rôle très important.
- Et vouais, je sais putain, c'est qu'est ce je lui ai dit!!!!
- Mais pourquoi elle veut plus jouer??
- Parce que y'a sa mère dans la salle.
- Et alors, c'est bien!!!
- Bè non, hier elle lui a dit de pas venir.
- Et merde, où elle est???
- Dans les toilettes des "bestiaires".
- Des vestiaires??
- Ouais, c'est pareil.
Je pars comme un fou, L me suit et dans l'obscurité des coulisses il envoie valdinguer toute ma mise en place. Mais pour l'heure, ce n'est pas l'essentiel. Nous arrivons devant la porte des toilettes. Tous les petits U.L.I.S essaient de l'ouvrir, en hurlant leur désespoir.
- Putain A, on a besoin de toi.
- Ouais, tu vas pas nous laisser tomber?!
Puis, malgré la séparation physique, le malêtre de A se propage comme une trainée de poudre chez ses camarades.
- Moi je joue plus.
- Moi non plus.
- Y z'ont qu'à aller se faire e....r.
Je m'approche de la porte. J'entends le principal qui commence son discours. Nous sommes vraiment dans le caca.
- Bon vous, vous allez sur scène et vous commencez. Je m'occupe de A. Comme par magie, ils m'écoutent, sans doute le stress.
L reste avec moi, il est décomposé, lui le dur à cuire.
- Bon, tu te mets devant la porte et tu fais le videur.
- Ouais, si y'en a un qui rentre je le défonce.
- Hein, quoi ??..... Oui, si tu veux.
Il regagne son poste en tapant son poing dans le plat de l'autre main. J'ai l'impression qu'il va tout casser, il fait peur. Je m'approche de la porte des WC.
- C'est Mariotti.
Au son de ma voix, la porte s'ouvre. A est assise sur la cuvette. Elle tient sa tête entre les mains et ses larmes forment une mer de tristesse à ses pieds. Je ne pensais pas que l'on pouvait avoir tant d'eau prête à jaillir.
- Tu viens, on va jouer.
- Non j'y vais pas. Ma mère est dans la salle.
- Et bien, ça veut dire qu'elle t'aime.
- Non, je lui ai dit hier. Je veux pas.
J'essaie de la raisonner en usant d'arguments idiots. D'ailleurs, je me trouve ridicule et désarmé. Je ne crois pas en ce que je dis. Elle n'ira pas sur scène, c'est mort.
 La porte des vestiaires s'ouvre et sans me retourner je dis.
- Je croyais que tu devais défoncer les gens qui...
L ouvre la marche d'un air de boxeur K.O à la première reprise. Derrière lui, la mère de A porte le masque du désespoir. Un peu perdue et sans même me saluer elle murmure.
- Tu veux que je parte??
- Oui, va t'en!!!
- Tu sais, j'ai posé un jour pour venir te voir !
- Pars, je m'en fous!!!
L et moi nous nous regardons et pour la première fois, nous ressentons au même moment les mêmes sentiments.
- Si je pars tu joues??
- Oui.
- Alors j'y vais.
Je fais une dernière tentative . Et ça marche. A accepte de monter sur scène avec sa mère dans la salle. Je la prends par la main, nous traversons les coulisses. Le spectacle a commencé et je l'accompagne dans la lumière des projecteurs. Les applaudissements envahissent la salle, je m'éclipse.
 Trente secondes s'écoulent et A quitte ses camarades en plein spectacle. Je l'intercepte au moment où elle passe les grands rideaux noirs. Mais impossible de la retenir. Je laisse tomber, il faut que je m'occupe des autres. Elle se pose au fond des coulisses, le noir absorbe son malheur et son corps. Je distingue à peine sa silhouette rejoint bientôt par celle de sa mère. Deux ombres se parlent et je peux entendre.
- Bon je pars??
- Oui.
- Tu iras jouer??
- Oui.
La mère embrasse sa fille sur les cheveux et caresse cette phrase.
- Je vais acheter les gâteaux de ton anniversaire comme promis. Ce soir quand tu rentreras, tout sera prêt. Je t'aime ma chérie.
Elle s'en va et malgré les ténèbres, je croise le regard d'une mère anéantie. A cet instant précis, je ne sais plus trop quoi penser. Je suis vide de sentiments et regarde dans une indifférence absolue, l'enfant monter sur scène. Le spectacle est beau... A en pleurer.



2 commentaires:

Anonymous Lydia a dit...

Ben voilà... t'as gagné !!! je suis toute chamboulée maintenant avec ton post !!!..... Bon, bravo, il est super bien écrit !!!!

La peur de ne pas être à la hauteur devant sa mère...c 'est fou comment cela l'a faite réagir... pas facile :( Mais sacré Pestacle tout de même !!!

Je garde celle ci : ses larmes forment une mer de tristesse à ses pieds ;) et le "videur", il est pas mal non plus ! lol...

20 juin 2012 à 18:10  
Anonymous Olivier a dit...

OK, tu peux. Il n'y a pas de droits d'auteur.

20 juin 2012 à 19:43  

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