Le génie des élèves et de ceux qui le furent: blessures d'été.

 La sonnerie de la première récréation matinale de l'année résonne encore dans le collège, que les Pixiboys débarquent dans ma salle.
- Héééé bè, vous n'êtes pas en retard!!!
En choeur et dans un sourire qui n'a d'égal que leur nouvelle pointure. En générale, dans l'été qui sépare la cinquième de la quatrième, les garçons prennent entre 3 ou 4 tailles de plus. Pendant quelques semaines ils marchent comme des pingouins qui auraient décidé de s'offrir des Santiags pour aller jouer au foot sur une plage brésilienne.
- Mouais!!!
Comme depuis maintenant deux ans, ils jettent leur cartable sur le sol impeccablement ciré et prennent un court élan pour poser leurs fesses sur les tables de l'îlot central. Tout en classant mes nouvelles listes "mais-attention-elles-ne-sont-pas-définitives-car-il-y-a-de-nombreux-changements-entre-ceux-qui-partent-ceux-qui-arrivent-ceux-qui-veulent-changer-de-classe-ce-qui-n'aiment-pas-leur-équipe-pédagogique" je demande.
- Alors, ces vacances???
C'est Flo qui répond. Flo répond toujours, même si on ne lui pose pas de question.
- L'horreur!!!
Sans lever la tête.
- C'est à dire???
Flo, alors que j'ai toujours le nez dans mes listes, me tend son pouce. Avec l'intonation d'un champion blasé qui parlerai de ses victoires devant la vitrine aux trophées, il me dit.
- Fracture ouverte... Tu veux voir???
Oui, les Pixiboys me tutoient.
- Non, merci...
C'est au tour de Tritri de se mettre en évidence alors que mon nez est toujours collé sur mes listes. Il saute de la table et me montre son genou. Enfin, je suppose qu'il me le montre parce que je ne le regarde pas. Puis, façon recette de cuisine, il balance.
- Entaille du genou, ouverture, points de suture.
A cet instant et par compassion, je redresse la tête. Natha lui, est toujours assis sur la table et balance les pieds avec l'allure du soldat qui revient de la guerre sans blessure, et qui le regrette presque.
- Non, moi j'ai rien eu!!!!
Alors, Flo insiste pour m'expliquer son accident. Je lui dis que ce n'est pas la peine. Comme mon autorité s'est évaporée à la différence du mauvais parfum qui reste, il m'explique la scène. Avec mes index je me bouche les oreilles, avec mes paupières les yeux et avec ma bouche je chante fort la,la,la... Malgré tout, je comprends qu'il a laissé son pouce dans la charnière au moment où une personne claquait la porte.  Puis, c'est au tour de Tritri de mimer la scène de son accident. J'ai toujours les yeux fermés, les oreilles bouchées et je chante à tue-tête la,la,la...  Apparemment cela ne le décourage pas. La scène est complètement surréaliste.
 Je n'ai pas vu passer la récréation, eux non plus. Sur le seuil de la porte, les nouveaux sixièmes semblent perplexes. Les Pixiboys récupèrent les cartables, se fraient un chemin entre les petits élèves qui bouchent le passage et me lancent alors que je les vois à moitié réapparaître par les fenêtres?
- A toute....