mercredi 30 novembre 2011
lundi 28 novembre 2011
Cette faculté à dessiner.





- Attention, ils savent que tu les dessines...
- Je sais, cela fait plusieurs semaines que je viens dans ton cours...
Il s'éloigne comme un messager ayant rempli sa mission. Je continue mais en effet, je me sens plus observé que ce que j'observe. Certaines personnes ne bougent pas, seuls leurs regards cherchent le mien. Sur l'instant, je songe à me retirer. Puis j'oublie de partir. Tantôt traqueur, tantôt traqué, je suis une fois de plus absorbé par le plaisir du trait.
samedi 26 novembre 2011
Une matière qui ne sert à rien...





- Bonsoir monsieur Mariotti.
- Ha, bonsoir... Comment allez vous???
- Très bien, merci.
- J'ai votre fille cette année?!
- Oui, après avoir eu le grand frère, vous avez la petite soeur.
- Qu'est ce qu'il devient? J'ai le souvenir d'un élève brillant.
- Il est en première année de médecine.
- Cela ne m'étonne pas. Vous lui passerez le "bonjour".
- Ce sera fait. Puisque je vous ai, comment est sa soeur??
- Bien, elle est bien. Mais les Arts plastiques ne sont pas sa passion.
- C'est bizarre, elle nous parle toujours de vos cours. Je croyais que dans les matières qui ne servent à... à...
- A rien??
- Non, ce n'est pas ce que je voulais dire. Les Arts Plastiques ça sert si on veut en faire son métier.
- Ha non, c'est l'inverse. Les Arts Plastiques ça sert si on ne veut pas avoir de métier. C'est ce qui les rend indispensables.
Le père me tend la main. Je lui serre en souriant. L'échange est court, mais il en dit long.
jeudi 24 novembre 2011
Je ne suis pas docteur mais...

- Monsieur, combien vous me mettez pour ça???
-Pour une entorse, je dirais trois semaines. Mais attention, je ne suis pas docteur.
- Arrêtez monsieur, combien vous me mettez pour mon travail???
- Ha, pardon...
Au fond de la classe, j'entends un élève dire à son voisin.
- T'as vu, Mariotti y s'est gavé.
mardi 22 novembre 2011
Cette faculté à dessiner.




Le modèle descend des deux tables jouxtées qui lui servent d'estrade, il regagne la petite pièce qui lui sert de cabine, il laisse la porte entrouverte qui lui sert d'éclairage. A la fac, rien n'est approprié, tout fait office de... Tout sert à...
Il est 18h, dehors il fait une nuit de novembre. La classe se reflète dans les vitres des grandes fenêtres, et je me vois au milieu des étudiants.
- Vous ne me rendez qu'une planche!!!!
- Quoi, qu'une planche???
- Oui, une...
- Mais c'est dur, je sais pas laquelle je vais vous rendre.
- A votre niveau, vous devez savoir choisir. Choisir c'est la première compétence d'un plasticien.
- M'sieur, celle-là????
- Tu te débrouilles, je sais pas...
- S'il vous plaît....
- Quand tu vas au cinéma, tu ne m'appelles pas pour savoir si le film t'a plu????
- C'est pas pareil.
- C'est la même chose, il faut vous faire confiance. Vous devez être capables de juger, trier, estimer ce qui tient la route ou pas...
- M'sieur, ça va si je vous donne celui-là???
- Je ne réponds plus, je veux une planche un point c'est tout.
Mon collègue et ami, passe dans la salle.
- Je t'attends en bas, je vais rendre l'ordinateur.
- Ok, on se retrouve sur le parvis.
- Qué parvis???
- Le parvis, l'entrée principale de la fac.
- Oui, comme d'habitude, sur le banc.
Un étudiant, surprend notre échange.
- Sur le banc, comme deux petits vieux, c'est mignon.
Il me tend sa planche, il a dit cela pour se venger du fait que je ne l'ai pas aidé dans son choix. Il sourit la tête baissée, il sourit pour lui.
C'est vrai, il y a vingt et un ans, j'étais à leur place dans ces mêmes locaux, et j'hésitais aussi- Quel travail rendre au professeur??- Je faisais des choix. En définitive, le seul choix que je n'ai jamais fait, c'est celui de devenir prof. Je n'ai pas eu à choisir, car je ne me suis jamais posé la question. Je suis devenu professeur irrémédiablement. Le comportement d'une étudiante, me tire de mes pensées. Elle tourne sa feuille format raisin dans tous les sens.
- Que fais-tu???
- J'peux pas vous rendre une planche, parceque j'ai dessiné sur les deux côtés.
- Essaie de séparer le recto du verso.
Elle pose ses deux pouces sur la tranche de la feuille, comme si elle voulait retirer le papier de protection d'un autocollant.
- Non, c'est une blague, vous êtes fatiguée...
Son camarade le plus proche me dit.
- On sait jamais quand vous êtes sérieux.
Le dernier étudiant me remet son travail et me souhaite une bonne soirée. Le modèle sort de sa cabine de fortune.
- La semaine prochaine, je ne peux pas venir.
- Et dans quinze jours??
- Oui, je le marque dans mon agenda.
- Bonne soirée.
- Bonne soirée Olivier. C'est vraiment un plaisir de venir dans tes cours, on y rit beaucoup.
Comme j'ai oublié ma grande pochette, je plie une feuille et glisse tous les travaux à l'intérieur.
J'appuie sur l'interrupteur, les néons crépitent une dernière fois avant de mourir. Il n'y a plus de reflet dans les vitres des grandes fenêtres, juste un petit trait de lumière qui rétrécit avant de disparaître quand la porte se ferme.
Dehors, mon ami est assis sur le banc, jambes croisées. Je me pose aussi, sors une cigarette.
- En ce moment, j'ai envie de me remettre à fumer.
Son meilleur choix a été d'arrêter, et je fume seul en sa compagnie.
samedi 19 novembre 2011
Cross over et contre tous.





Gruger son monde, n'est pas à la portée de tous. Pour certains élèves, et ce sont ceux que j'apprécie le plus, c'est un métier qu'ils choisissent pour faire fructifier un don. Très peu de métiers en définitive se choisissent pour un don.
Certes, il y a des enfants dont on dit qu'ils sont doués en dessin, en sport ou pour faire les clowns.
Mais combien d'entre eux finiront dessinateurs, sportifs de haut niveau, comiques??? Par contre, on ne dit jamais qu'un enfant est doué en maths ou en sciences physiques, mais qu'il est bon ou très bon. Toute la nuance est là: lorsqu'on est bon, on peut devenir professionnel de sa bonté mais lorsqu'on est doué, on le devient rarement. Bref, tricher est l'un des rares dons avec lequel on peut faire profession. J'ai donc et j'y reviens, une affection particulière pour les tricheurs professionnels. Ceux là sont respectables car lis désirent avant tout, faire partager et admirer leur savoir faire. Jamais, un élève tricheur professionnel ne gaspillera des années d'apprentissage pour réaliser un coup sans témoin(s). Au contraire, il laisse toujours planer dans son comportement l'ombre d'un doute, un détail qui s'adresse à notre méfiance: regarde bien, je vais t'embrouiller. Il prépare son "oeuvre" comme une pièce de théâtre: trois coups retentissent, le rideau se lève, l'espace fictionnel s'offre à nous. A la condition que cette trilogie soit respectée, les élèves auront toujours le droit de me tromper.
A l'instant où je termine d'écrire ces quelques lignes, une voix m'interpelle.
- Monsieur Mariotti vous avez vu, j'ai coupé!!!!!!
Je regarde l'élève, presque gêné de ne pas l'avoir surpris.
- Non j'ai pas vu, désolé...
Le petit quatrième fait demi tour, et passe par le bon chemin. Lorsqu'il est à ma hauteur, il lâche.
- Vous avez vu, si "j'aurais" voulu.
jeudi 17 novembre 2011
Le génie des élèves.



- Vous avez déjeuné avec votre grand-père. Prouvez le, en montrant les restes.
- De notre grand-père?? S'écrie un petit élève aux cheveux mal rangés.
Tout la classe se met à rire, le professeur et moi sourions avec admiration. Certains enfants, sont des génies.
lundi 14 novembre 2011
jeudi 10 novembre 2011
Le deuxième plus beau chat du monde.

- Vous alliez déjeuner??
- Non, non.
Je repose ma veste et mes fesses sur la chaise.
- Sinon je peux revenir cet après-midi, je suis de Trets.
Dehors, c'est le déluge. Je suis même surpris qu'il y ait du monde au festival.
- Vous plaisantez, je vais vous faire un beau dessin de circonstance.
La dame sourit, porte la main dans son dos et tire sa petite fille: pas plus de dix années.
- Tu veux me faire une dédicace??
Je demande cela, sans trop de conviction.
La fillette assemble ses mains en entrelaçant les doigts, et tire sur ses bras comme peut le faire un pianiste avant de jouer. Elle rentre son menton dans le col de son joli imperméable prune. Je lui offre un pinceau chinois, l'aquarelle, un crayon et une page de mon Zap Book. Le regard de la mère est rempli de fierté, je comprends que l'enfant sait dessiner. Elle pose un genoux à terre, s'appuie sur la table comme d'autres entrent en prière et voyage dans son oeuvre.
-Je ne vous connais pas, me dit la maman un peu gênée.
- C'est normal, je ne suis pas connu!!
Ma réponse me fait sourire et elle sourit aussi.
-J'aime bien la couverture ...
Elle pense m'avoir vexé.
-Merci.
Je ne lève pas les yeux des traits et des couleurs de mon dessin.
-De quoi parle le livre???
En temps normal, j'aurais fait un résumé de l'histoire.
- Je vous laisse découvrir.
-D'accord, ce sera la surprise.
Elle replace une mèche de cheveux, son geste plein d'assurance montre qu'il s'agit d'un tic, bien plus que d'un geste de beauté.
Ma dédicace est terminée, je la présente à la dame avec cette question idiote.
-Cela vous va???
-C'est superbe, merci.
Je demande à la fillette si elle a terminé son dessin. Elle tourne le Zap Book en le faisant glisser délicatement afin que je puisse lire l'image à l'endroit. Il y a plus de vingt ans, Edmond Baudoin m'avait fait un chat sublime sans jamais lever la plume de la page. C'était depuis, le plus beau chat du monde. La petite fille de Trets aux doigts de pianiste, m'a offert le deuxième.
mardi 8 novembre 2011
Cette faculté à dessiner...




